Comment Hitler est arrivé au pouvoir

L'arrivée au pouvoir d'Hitler en Allemagne est un événement marquant de l'histoire du 20e siècle. Ce personnage tristement célèbre a pourtant marqué profondément l'histoire. Comprendre les facteurs économiques, politiques et sociaux qui ont permis son ascension est crucial pour saisir les mécanismes qui peuvent mener à l'établissement d'une dictature.

Le contexte économique et politique de l'Allemagne

L'Allemagne des années 1920 fut marquée par une instabilité économique et politique chronique, qui culmina avec la Grande Dépression de 1929. Cette période tumultueuse créa un terreau fertile pour l'ascension d'Adolf Hitler et du parti nazi.

Une économie en crise

Après la défaite de la Première Guerre mondiale, l'Allemagne fut contrainte de payer de lourdes réparations aux pays vainqueurs. Pour financer ces paiements, le gouvernement imprima massivement de la monnaie, ce qui provoqua une hyperinflation dévastatrice en 1923. Le mark allemand perdit toute valeur : un dollar américain valait 4,2 billions de marks en novembre 1923. Cette crise monétaire ruina la classe moyenne et éroda la confiance dans les institutions démocratiques. La situation économique se stabilisa brièvement entre 1924 et 1929 grâce au plan Dawes, qui restructura le paiement des réparations. Cependant, cette reprise fut de courte durée. Le krach boursier de Wall Street en octobre 1929 déclencha une crise mondiale qui frappa durement l'Allemagne. Les banques américaines rappelèrent leurs prêts, provoquant l'effondrement du système bancaire allemand. Le chômage explosa :
Année Taux de chômage
1929 8,9%
1930 15,3%
1931 23,3%
1932 30,1%
En 1932, près de 6 millions d'Allemands étaient sans emploi. De nombreuses entreprises firent faillite et la production industrielle chuta de 40% entre 1929 et 1932.

L'instabilité politique de la République de Weimar

Sur le plan politique, la jeune République de Weimar, établie en 1919, fut constamment menacée par des forces extrémistes de gauche et de droite. Les communistes, inspirés par la révolution bolchevique en Russie, tentèrent plusieurs soulèvements, notamment la révolte spartakiste de 1919. À l'extrême droite, des groupes nationalistes et monarchistes rejetaient la légitimité du nouveau régime démocratique, qu'ils accusaient d'avoir "poignardé dans le dos" l'armée allemande en signant l'armistice de 1918.

Une succession de gouvernements faibles

L'instabilité politique se traduisit par une succession rapide de gouvernements de coalition fragiles. Entre 1919 et 1933, l'Allemagne connut pas moins de 20 cabinets différents, avec une durée moyenne au pouvoir de seulement 8 mois. Cette instabilité chronique empêcha la mise en œuvre de politiques cohérentes pour faire face à la crise économique. Les partis modérés du centre, comme le Parti social-démocrate (SPD) et le Parti du centre catholique, perdirent progressivement du terrain face aux partis extrémistes. Aux élections de 1930, le Parti communiste (KPD) et le Parti national-socialiste (NSDAP) d'Hitler réalisèrent une percée significative, obtenant respectivement 13,1% et 18,3% des voix.

Le recours croissant aux pouvoirs présidentiels

Face à l'impasse parlementaire, le président Paul von Hindenburg eut de plus en plus recours à l'article 48 de la Constitution, qui lui permettait de gouverner par décrets d'urgence. Entre 1930 et 1932, les chanceliers Heinrich Brüning, Franz von Papen et Kurt von Schleicher gouvernèrent largement sans le soutien du Reichstag, sapant ainsi les fondements démocratiques du régime. Ce contexte de crise économique et d'instabilité politique créa un climat de désespoir et de ressentiment au sein de la population allemande. Hitler et le parti nazi surent exploiter cette situation pour se présenter comme la seule alternative capable de restaurer l'ordre et la prospérité.

L'ascension du parti nazi

L'ascension fulgurante du parti nazi entre 1928 et 1932 est le résultat d'une combinaison de facteurs économiques, politiques et sociaux, ainsi que de stratégies habiles mises en œuvre par Adolf Hitler et ses partisans. Cette période marque un tournant décisif dans l'histoire de l'Allemagne, pavant la voie à l'établissement du Troisième Reich.

La croissance électorale du NSDAP

Le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) a connu une progression spectaculaire en seulement quatre ans. Aux élections législatives de 1928, le parti n'avait obtenu que 2,6% des suffrages, soit 810 000 voix. Mais en juillet 1932, il est devenu le premier parti d'Allemagne avec 37,4% des voix, soit plus de 13 millions d'électeurs. Cette ascension vertigineuse s'explique par plusieurs facteurs :
  • La crise économique de 1929 et ses conséquences dévastatrices sur l'économie allemande
  • L'instabilité politique chronique de la République de Weimar
  • Le ressentiment persistant lié au Traité de Versailles
  • L'habileté propagandiste d'Hitler et de son parti

Les stratégies de propagande

Hitler et le NSDAP ont développé des techniques de propagande novatrices et efficaces pour séduire un large électorat. Ils ont notamment :
  • Utilisé massivement les nouveaux médias comme la radio et le cinéma
  • Organisé de grands rassemblements de masse spectaculaires
  • Diffusé une iconographie et une symbolique puissantes (croix gammée, salut hitlérien)
  • Adapté leur discours selon les publics visés
Le parti nazi promettait à la fois le retour à l'ordre et la sécurité pour les classes moyennes, et des mesures sociales pour les ouvriers. Hitler se présentait comme le sauveur providentiel capable de restaurer la grandeur de l'Allemagne.

Le soutien des élites économiques

Dès le début des années 1930, Hitler a cherché à obtenir l'appui des milieux d'affaires et de l'industrie. De nombreux grands patrons et banquiers ont apporté un soutien financier crucial au NSDAP, voyant en lui un rempart contre le communisme. Parmi les soutiens notables figuraient :
  • Fritz Thyssen, magnat de l'acier
  • Emil Kirdorf, industriel du charbon
  • Hjalmar Schacht, ancien président de la Reichsbank
Ces appuis ont permis au parti nazi de financer ses campagnes électorales et sa propagande à grande échelle.

Le rôle des SA dans l'intimidation

Les Sturmabteilung (SA), milice paramilitaire du NSDAP créée en 1921, ont joué un rôle déterminant dans l'ascension du parti. Leurs effectifs sont passés de 100 000 hommes en 1930 à plus de 400 000 en 1932. Les SA menaient des actions violentes contre les opposants politiques, notamment communistes et socialistes. Leurs méthodes incluaient :
  • Perturbation systématique des réunions des partis adverses
  • Affrontements de rue et bagarres
  • Intimidation des électeurs
Cette violence politique a contribué à radicaliser le climat et à déstabiliser la démocratie, favorisant ainsi indirectement le NSDAP qui se présentait comme le garant de l'ordre.

L'exploitation du mécontentement populaire

Hitler a su exploiter habilement les frustrations et le désespoir d'une grande partie de la population allemande, durement touchée par la crise économique. Son discours nationaliste et revanchard trouvait un écho favorable auprès :
  • Des millions de chômeurs (6 millions en 1932)
  • Des anciens combattants déçus
  • Des classes moyennes appauvries
  • Des jeunes sans perspectives d'avenir
Le NSDAP promettait du travail, la restauration de la fierté nationale et le rejet du Traité de Versailles, séduisant ainsi un électorat hétéroclite mais uni dans son rejet du système en place.

La faiblesse des oppositions

L'ascension du nazisme a également été facilitée par les divisions et l'inefficacité des partis démocratiques traditionnels. Les sociaux-démocrates et les communistes, principaux opposants au nazisme, n'ont pas réussi à s'unir face à la menace. Le Parti communiste (KPD), suivant les directives de Moscou, considérait même les sociaux-démocrates comme des "sociaux-fascistes", empêchant toute alliance de gauche. Cette fragmentation du paysage politique a permis au NSDAP de s'imposer comme la principale force d'opposition au système de Weimar, attirant de nombreux électeurs déçus par les partis traditionnels.

Les alliances politiques et les manœuvres de 1932-1933

Les alliances politiques et les manœuvres de 1932-1933 ont joué un rôle crucial dans l'accession d'Hitler au pouvoir en Allemagne. Cette période a été marquée par des tractations complexes entre les différentes factions politiques, aboutissant à la nomination d'Hitler comme chancelier le 30 janvier 1933.

Le contexte politique de la fin 1932

Les élections législatives de novembre 1932 ont vu le parti nazi (NSDAP) perdre des voix par rapport au scrutin précédent de juillet. Le NSDAP est passé de 37,3% à 33,1% des suffrages, perdant ainsi 2 millions de voix. Malgré ce recul, le parti nazi restait la première force politique du pays, mais sans majorité absolue au Reichstag. Cette situation a conduit à une impasse politique, aucune coalition stable ne pouvant se former.

L'instabilité gouvernementale

Face à cette situation, le président Hindenburg a nommé successivement deux chanceliers issus des rangs conservateurs : Franz von Papen (juin-novembre 1932) puis le général Kurt von Schleicher (décembre 1932-janvier 1933). Ces gouvernements minoritaires n'ont pu gouverner que par décrets présidentiels, sans véritable soutien parlementaire.

Les tractations de janvier 1933

Le 4 janvier 1933, une rencontre décisive a eu lieu entre Hitler, von Papen et plusieurs personnalités conservatrices influentes. Cette entrevue, organisée par le banquier Kurt von Schröder, a permis de jeter les bases d'une alliance entre les nazis et les conservateurs traditionnels.

Le rôle de Franz von Papen

Von Papen, qui avait été évincé de la chancellerie en novembre, a joué un rôle central dans ces négociations. Il a proposé à Hitler de former un gouvernement de coalition où les nazis seraient minoritaires, avec lui-même comme vice-chancelier. Von Papen et les conservateurs pensaient ainsi pouvoir "encadrer" Hitler et utiliser sa popularité tout en limitant son pouvoir réel.

Les calculs des conservateurs

Les milieux conservateurs, industriels et financiers voyaient en Hitler un rempart contre le communisme et espéraient qu'il pourrait être contrôlé une fois au pouvoir. Ils sous-estimaient gravement sa détermination et sa capacité à s'emparer rapidement de tous les leviers du pouvoir.

La nomination d'Hitler comme chancelier

Le 30 janvier 1933, le président Hindenburg, âgé de 85 ans et affaibli, a finalement cédé aux pressions de son entourage et nommé Hitler chancelier. Le nouveau gouvernement ne comptait que trois ministres nazis sur onze : Hitler lui-même, Wilhelm Frick à l'Intérieur et Hermann Göring sans portefeuille.

La composition du cabinet Hitler

Poste Titulaire Parti
Chancelier Adolf Hitler NSDAP
Vice-chancelier Franz von Papen Sans parti
Ministre de l'Intérieur Wilhelm Frick NSDAP
Ministre sans portefeuille Hermann Göring NSDAP
Ministre des Affaires étrangères Konstantin von Neurath Sans parti
Cette composition donnait l'illusion d'un gouvernement de coalition où les nazis seraient minoritaires et encadrés. En réalité, Hitler allait rapidement s'affranchir de ces contraintes et mettre en place sa dictature dans les semaines suivantes.

La consolidation du pouvoir et l'établissement de la dictature

Après sa nomination comme chancelier le 30 janvier 1933, Hitler a rapidement mis en place une stratégie pour consolider son pouvoir et établir une dictature totalitaire en Allemagne. Utilisant habilement un mélange de méthodes légales et extra-légales, il a progressivement éliminé toute opposition et concentré tous les pouvoirs entre ses mains en l'espace de quelques mois seulement.

L'incendie du Reichstag et la répression des opposants

Le 27 février 1933, moins d'un mois après l'arrivée d'Hitler à la chancellerie, le bâtiment du Reichstag est ravagé par un incendie criminel. Les nazis accusent immédiatement les communistes d'être responsables de cet acte, bien que de nombreux historiens pensent aujourd'hui que ce sont les nazis eux-mêmes qui ont orchestré l'incendie. Hitler saisit cette opportunité pour convaincre le président Hindenburg de signer le "décret de l'incendie du Reichstag" qui suspend les libertés civiles garanties par la Constitution de Weimar. Ce décret permet aux nazis de lancer une vague de répression contre leurs opposants politiques. Des milliers de communistes, socialistes et autres opposants sont arrêtés et emprisonnés dans les premiers camps de concentration qui ouvrent à cette période. Le Parti communiste (KPD) est interdit, privant ainsi Hitler d'un de ses principaux adversaires politiques.

L'obtention des pleins pouvoirs

Le 23 mars 1933, Hitler franchit une étape décisive en faisant voter par le Reichstag la "Loi des pleins pouvoirs" (Ermächtigungsgesetz). Cette loi lui permet de gouverner par décrets sans l'approbation du Parlement ni du président pendant quatre ans. Pour obtenir la majorité des deux tiers nécessaire, Hitler a recours à l'intimidation et à la violence contre les députés de l'opposition. Les députés communistes ont déjà été arrêtés, et les sociaux-démocrates votent sous la menace des SA qui encerclent le bâtiment. Avec cette loi, Hitler peut désormais légiférer sans contrôle parlementaire. Il l'utilise rapidement pour interdire tous les partis politiques autres que le NSDAP, qui devient le parti unique le 14 juillet 1933. Les syndicats sont également dissous et remplacés par le Front allemand du travail contrôlé par les nazis.

Tableau des principales mesures prises par Hitler en 1933

Date Mesure Conséquence
28 février 1933 Décret de l'incendie du Reichstag Suspension des libertés civiles
23 mars 1933 Loi des pleins pouvoirs Hitler peut gouverner par décrets
2 mai 1933 Interdiction des syndicats Contrôle total sur les travailleurs
14 juillet 1933 Interdiction des partis politiques NSDAP devient parti unique

La "Nuit des Longs Couteaux" et l'élimination des opposants internes

Malgré ces succès, Hitler doit encore faire face à des oppositions au sein même de son mouvement. La SA (Section d'Assaut), dirigée par Ernst Röhm, réclame une "seconde révolution" plus radicale et socialiste. Hitler, qui a besoin du soutien de l'armée et des milieux conservateurs, décide d'éliminer cette menace lors de la "Nuit des Longs Couteaux" du 30 juin au 2 juillet 1934. Au cours de cette purge sanglante, Hitler fait assassiner Röhm et de nombreux autres chefs de la SA par les SS. Cette opération lui permet non seulement d'éliminer une opposition interne, mais aussi de s'assurer la loyauté de l'armée qui voit d'un bon œil l'affaiblissement de la SA. Hitler profite également de l'occasion pour éliminer d'autres opposants comme l'ancien chancelier von Schleicher.

La fusion des fonctions de président et de chancelier

Le 2 août 1934, le président Hindenburg meurt. Hitler saisit immédiatement cette opportunité pour fusionner les fonctions de président et de chancelier, s'arrogeant ainsi le titre de "Führer et Chancelier du Reich". Cette décision est soumise à un plébiscite le 19 août 1934, où 92% des Allemands approuvent ce changement, légitimant ainsi la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d'Hitler. Cette fusion des pouvoirs marque l'aboutissement du processus de prise du pouvoir par Hitler. Il est désormais à la tête de l'État, du gouvernement et des forces armées. Le serment de fidélité de l'armée n'est plus prêté à la Constitution mais directement à la personne d'Hitler.
"À partir de maintenant, je suis responsable du destin de la nation allemande, et par là même du peuple allemand." Adolf Hitler, discours au Reichstag, 13 juillet 1934
En l'espace de 18 mois seulement, Hitler est ainsi parvenu à transformer la République de Weimar en une dictature totalitaire, éliminant toute opposition légale et concentrant tous les pouvoirs entre ses mains. Cette prise de pouvoir rapide et efficace a jeté les bases du Troisième Reich qui allait dominer l'Allemagne jusqu'en 1945.